Commencer le travail ? Qui décide ?

 

         Certains se demandent quel mouvement intérieur peut initier un travail sur les rêves.

         Pour ma part, quand on lit mon article « porte d'entrée », il est clair qu'un rêve a porté mon attirance rationnelle pour que je commence ce travail. J'ose écrire cet adjectif car, bien qu'ayant vécu des antécédents spirituels, rien dans le rêve ne met en ordre en quelque sorte cette analyse des rêves. Cependant l'imagination spirituelle qu'il porte est telle que l'on se dit bien qu'il doit y avoir de ce côté quelque chose à étudier. Ma décision fut donc raisonnable ou plus exactement le produit d'une rencontre entre mon « moi » et une anima, une vie de l'âme portée par ce rêve et interprétée par cette femme dont je parlais. Sans doute cette démarche porte déjà en secret le hieros gamos, le mariage secret alchimique entre le soleil et la lune. Je le récris à titre de mémoire :
« Je dois rentrer dans un stade rond où l'on joue l'oratorio "la Création" de Josef Haydn. J'ai la place 21 que je vois de loin comme siège libre et je donne mon ticket au placeur qui me dit : "ah non la 21 n'est pas pour vous". 

 

        

    Rien à voir avec cette rêveuse pour qui l'entrée dans le travail était une évidence à laquelle on ne pouvait résister :

« Jung me présente sur un plateau, un livre et un poulet rôti ».

         On lui apporte tout ça « sur un plateau ». Quelle chance ! Que lui apporte-t-on ? Un livre dont le symbole est multiforme et que chacun pourra interpréter à sa guise comme ... ouvrir le livre de sa vie, ouvrir le livre fermé, sculpté sur le médaillon de Mère Alchimie à Notre-Dame de Paris, l'ouverture à la culture des archétypes du passé qu'offrent les rêves, un livre pour enfant, un cadeau etc.

         Le poulet rôti est intéressant. Un poulet est un volatil qui ne vole pas. Il est donc alchimiquement « un volatil fixé » donc la vie de l'âme inscrite dans la terre du quotidien de la rêveuse. Encore une fois, le poulet n'est pas un aigle, il ne survole pas le monde, il mange même le gravier de la terre qu'il foule et les vers de la terre, donc le produit digéré de ses profondeurs.

         Mais en plus le poulet est rôti donc le résultat de la cuisson alchimique sur le feu igné, symbole d'une transformation des valeurs quotidiennes de la rêveuse. Jung sera donc exigeant avec ce feu qui peut réchauffer, illuminer mais détruire aussi. Comment résister à cet animus flamboyant ?!

        

 

         Il y a encore une autre manière d'entrer dans le travail : ce matin, un homme me raconte un rêve récurrent :

« Je dois faire mes cours de piano à mon conservatoire en lointaine banlieue, en y allant à vélo, mais pas mon vélo électrique habituel. À l’aller ça se passe bien. Le retour chez moi est compliqué parce qu’il fait nuit et la dynamo frotte. L’éclairage est très insuffisant »… 

         Le vélo est un humble moyen de transport. C’est bien, cet homme n’est pas dans les hauteurs inatteignables du prestige des grands concerts de musique. Il est dans la simplicité et la vérité de ce qui est en banlieue, en banlieue de lui-même donc les parties de sa vie qui ne sont pas encore centrées. Il est en deux roues ce qui montre son problème de dualité intérieure, dont l'image est la vie de son couple.

         Pourtant dans ce conservatoire, il y a reconstruit la classe de piano. Donc le rêve dit qu’il doit aussi se reconstruire (sinon à quoi sert un rêve, s’il ne fait que dire un gentil constat!), surtout quand on apprend que le piano et lui, ça fait un !

         Il y a été heureux dans ses rapports avec autrui : c’est donc aussi sa recherche d'harmonie dans ses rapports dans sa vie de couple (entre autres) quand il revient chez lui. Or justement à son retour, quand il revient dans le contexte quotidien, c’est la nuit intérieure et il n’arrive pas à « faire l’éclairage » comme on dit, sur ses problèmes de tous les jours. Or Noël est la lumière dans les ténèbres. Pas les ténèbres dans les ténèbres. 

         Le contexte d'humilité est favorable pour commencer le travail, les armes lui sont données pour commencer à entrer dans la jungle de son inconscient personnel, mais il n’a pas d’assistance électrique, donc pas d’aide énergique pour résoudre son problème. Il lui faut donc un accompagnement, c’est une évidence écrite et c‘est pourquoi le rêve revient et revient encore. Que va-t-il décider ?

         Comme suggéré par un moment de cet article, nous sommes à Noël 2021. Reiner Maria Rilke écrit dans ses « Lettres à un jeune poète »[1] : « C'est même avec l'infime, avec l'insignifiant (pourvu qu'il advienne dans l'amour) que nous débutons, avec le travail et le repos qui le suit, avec tout ce que nous faisons seuls que nous commençons Dieu, Lui que notre vie ne verra pas... … Existe-t-il quelque chose qui puisse vous enlever l'espoir d'être un jour en Lui, le Lointain des Lointains, l'Extrême des Extrêmes ?

Fêtez Noël, cher monsieur Kappus, dans le pieux sentiment qu'il a peut-être besoin de votre angoisse devant la vie pour commencer ; ces jours qui sont pour vous transition sont peut-être justement le temps où tout en vous travaille à Le faire devenir.

* * * 

Et si l'un(e) ou l'autre m'écrivait la manière avec laquelle il a commencé le travail intérieur ? Et que je pourrais partager dans ce blog, en respectant la discrétion de vos identités bien sûr ?              gkerret (arobase) sfr.fr                   

                          



[1]Éditions GF Flammarion 1994 p. 72