Jung et l'écologie

Que la parole circule ! 

    Un membre éminent de l'Association Francophone des Types Psychologiques, Bertrand Eveno, a édité le Livre rouge de Jung en langue française.
Son site est  : https://types-psychologiques.com/

    Il m'a autorisé à faire circuler une de ses conférences non publiques sur Jung et ses rapports à l'écologie qui a écrit des intuitions sur le rapport de l'homme et de la nature vers les années 1930. Quelle clairvoyance n'avait-il pas déjà cette époque à un niveau fondamental ! Nous serions heureux de le voir prendre ce sujet à bras le corps aujourd'hui !

    Pourtant on ne peut pas dépendre de Jung dont les sept sermons aux morts datent de 1916. Mais nous devons prendre sa suite. Car il va petit à petit manquer aux pèlerins jungiens d'aborder les thèmes non abordés par lui que sont par exemple le rapport addictif et impoli aux réseaux sociaux mais également la promotion que nous pourrions avoir de la science quantique alors qu'à cette époque, Jung fulminait contre le scientisme ambiant. Et peut-être aussi des rapports de force en 2022 entre les États...

      Pour ma part, il me semble important de prendre en charge les sujets que Jung ne pouvait pas prendre. Avec une méthode jungienne c'est-à-dire en homme qui a du souffle, qui a une écriture poétique telle qu'il peut formuler ce que des sociologues sont incapables de dire; en homme qui a une culture si étendue qu'il peut décrypter les archétypes fondamentaux qui se jouent afin, pour nous maintenant, d'éviter des considérations comportementalistes.

  N'oublions pas que "le monde ne tient qu'à un mince fil et ce fil est la psyché de l'homme". Extrait d'un interview dans "C.G. Jung parle", édit. Buchet Chatsel p. 237, Jung fait alors allusion à la bombe atomique en continuant: "Nous sommes le vrai danger". on se demande si une bombe atomique lente n'est pas actuellement en train de s'élever.

    Je viens d'avoir un long dialogue avec la responsable du site  https://holomea.com/ , Christine Ebadi. Il est apparu que les ombres qui régissent les rapports entre les humains dans les conseils d'administration sont aussi "le vrai danger" pour l'avenir de la planète (ce fil de la psyché cf supra). Les critères ESG d'une entreprise sont faits au nom d'un "développement durable" qui ne manque pas d'ambiguïté. L'écologie sera toujours bonne pour les autres mais moi, je fais ce que je veux. 

    Au-delà d'un constat un peu terne, il n'empêche pas que l'occasion collective qui est proposée par ces critères ESG est le moment de rentrer un coin dans l'unilatéralité de la pensée du chef d'entreprise. Car c'est la définition même de l'écologie de prendre en considération l'Autre au sens large, sinon, l'Autre nous le renvoie en catastrophe, comme une gifle. Élargir notre regard est une nécessité évidente. C'est pourquoi je parlais à Corine Lepage et Christian Huglo de promouvoir l'écologie plutôt que l'environnement, terme qui suggère encore et toujours que l'homme est le centre de tout. Non, il y a l'autre, il y a l'Autre.

    Par exemple, le fait que le mépris réel, financier et commercial que l'entreprise dans sa globalité a envers l'état du monde est une image du mépris que l'Homme a envers une part cachée de lui-même, quitte à projeter sur des collègues ce mépris, ombre du mépris qui est cachée en lui et envers lui-même, c'est-à-dire celui que l'on n'a pas aimé. Écologiquement, le danger des cadres d'entreprise est l'irruption de dessous eux de leur sa nature, et même de leur animalité. Mais ils veulent tout faire pour que cette naturalité n'advienne pas. Et pourtant, celui qui a une intuition animale est très utile pour l'avenir de l'entreprise: il sait, il sent, même s'il ne le transforme pas en pensée. Dans le cadre des critères ESG, L'autre de mon entreprise sera une surprise accueillie comme telle et reconnue comme ayant des possibilités que même moi, chef d'entreprise, je n'ai pas. Il se pourrait que l'établissement de critères ESG passe par une considération absolue des collègues dans une mutuelle reconnaissance de leurs intuitions, sentiments, sensations ou pensées qui vont forcément au-delà d'un formatage de la pensée venue d'en haut. Il se pourrait ici que le respect envers la nature passe par le respect interne en entreprise.

     De manière plus générale, on pourrait dire que le mépris envers la nature est un mépris envers une part de soi-même qui est alors l'objet de nos crachats - de nos projections - . Autrefois la symbolique en était la suivante : on jetait à la mer tout ce dont on voulait se débarrasser, donc ne plus voir. De même pour les fumées qui - vous voyez ! - disparaissaient dans le ciel. Maintenant on sait écologiquement que ça reste quelque part. C'était l'image de tout ce qui nous encombre dont on croit que l'on s'en débarrasse "en passant à autre chose". Et pourtant, ça reste dans notre inconscient, entravant notre liberté et unité. il est étrange de voir combien ceux qui ont fait le travail intérieur sont plus spontanément respectueux des normes écologiques, sans que cela soit un ordre venu de l'extérieur. Cela se fait "naturellement" !

                                                            à vos plumes !

                                                                                    Gaël de Kerret janvier 2022




Pierre de la maison de Jung à Bollingen




une plume ? celle de ma femme Florence qui pensait à la phrase de Jacques Chirac: "Notre maison brûle et nous regardons ailleurs". Cette phrase a été dite par ce président au 4ème Sommet de la Terre en 2002, répétant un écologiste Jean-Paul Deléage. ma femme s'en est inspirée pour ajouter cette histoire: 

"Un jeune homme arrive chez lui et voit sa maison brûler. Quand il a sonné à la porte fermée, son père qui est à l’intérieur n’a pas ouvert. Il a longuement tambouriné à toutes les fenêtres, toujours pas de réponse. Le jeune homme a pris une grosse pierre, il hésite : lui conseillez-vous de casser la fenêtre ou d’attendre « sagement » ?

Casser la vitre ou attendre avec "sagesse" est le scandale pour  la jeunesse de 2022.